Terre, une invitation au voyage

Fungi-vore

Linda Louis
Fungi-vore

La forêt a du goût ! Garde-manger à ciel ouvert, elle abrite notamment les champignons qui, avant de finir dans nos assiettes, attirent de temps en temps le promeneur hors des sentiers forestiers.

Mais n’est pas mycologue qui veut : avec leur effluves fruitées, terrestres, parfois animales, il n’est pas toujours évident d’identifier les spécimens récoltés. Petit précis de cueillette de ces délices sauvages. 

1991. Découverte d’Ötzi, cet homme préhistorique âgé de 5 300 ans sous une couche de glace à 3 200 mètres d’altitude, à la frontière entre l’Autriche et l’Italie. À côté de la momie congelée, des morceaux de polypore du bouleau (Piptoporus betulinus) et d’amadouviers (Fomes fomentarius) enfilés sur une lanière de cuir.

Les paléoanthropologues purent confirmer que depuis des millénaires, l’homme n’utilisait pas seulement les champignons pour se nourrir, mais aussi pour se soigner et se chauffer.

Ces deux champignons parasites sont encore aujourd’hui récoltés par certains voyageurs-randonneurs en guise d’allume-feu naturel. Une fois séchés, au contact d’une flamme, ils se consument lentement et permettent d’embraser facilement herbes sèches et petit bois. Ni végétal ni animal, le champignon forme dans le monde du vivant une famille à part : le troisième règne.

Les champignons : le troisième règne

C’est en réalité le fruit (sporophore) du mycélium vivant dans le sol, sur du bois mort ou près des racines, constitué de filaments en général blancs, fins, enchevêtrés (hyphes) et formant une sorte d’arbre inversé souterrain. Il n’est que la partie apparente de l’iceberg ! Experts en décomposition, ces filaments génèrent dans le sol des enzymes qui découpent en petits morceaux la matière organique morte et contribuent ainsi à la fabrication de l’humus. La relation que le champignon entretient avec la plante est un contrat de confiance, une symbiose appelée « mycorhize ». Virtuose de l’absorption minérale, il puise dans le sol de l’eau et des ions en grande quantité, puis en abreuve la plante. De l’autre côté, grâce à la photosynthèse, celle-ci transmet une partie des sucres qu’elle fabrique aux filaments mycéliens.

La boucle est bouclée. La mycorhization touche la quasi-totalité des plantes terrestres à racine et aurait vraisemblablement contribué, il y a près de 400 millions d’années, à la réussite de la colonisation des milieux terrestres par les végétaux sortis des eaux. Un champignon sauvage, pour être mangé en toute sérénité, doit être correctement identifié. Mettez-lui ainsi la tête à l’envers afin de bien observer son hyménium. Possède-t-il des lames comme le rosé des prés, des tubes comme le cèpe de Bordeaux, des aiguillons comme le pied-de-mouton ou des plis comme la girolle ?

Sa silhouette, en forme de trompette (chanterelle), de boule (truffe) ou de maison des schtroumpfs (amanite tue-mouches), ainsi que son odeur évoquant l’amande amère (marasme des Oréades) ou la farine (clitopile petite prune dit « meunier ») nous guide également dans son identification.

Assurez-vous de le cueillir dans une forêt/prairie publique ou privée (avec autorisation du propriétaire) et hors zone/période de chasse. Dévissez délicatement le pied pour l’observer en entier car sa base donne un paramètre déterminant (volve, bulbe progressif…). Si on le coupe à ras, on laisse dans le sol de la chair qui, en se décomposant, peut altérer le fonctionnement du précieux mycélium. Prenez un panier et oubliez les sacs en plastique qui échauffent les champignons, rendant leur identification et leur comestibilité incertaines. Ramassez uniquement ceux que vous êtes certains de préparer et de manger pour éviter tout gâchis. Triez votre cueillette à la maison pour distinguer les espèces. Conservez votre récolte en bas du réfrigérateur et consommez-la rapidement. Attention, certains champignons ne deviennent comestibles qu’une fois bien cuits, comme les délicieuses amanites rougissantes, les morilles ou encore les russules charbonnières.

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