Terre, une invitation au voyage

Île Hans : la possibilité d'une île universelle

Éliane Patriarca
Île Hans : la possibilité d'une île universelle

Le Canada et le Danemark se disputent depuis des décennies la propriété de ce caillou perdu dans l'Arctique, car lorsque les banquises auront fondu, il ouvrira la voie à l'exploitation pétrolifère du pôle.

Si tous les citoyens du monde s'unissent et la revendiquent collectivement, l'île Hans pourrait devenir le symbole de la lutte contre le réchauffement climatique.

L'île Hans a une double vie. Dans l'Arctique, à mille kilomètres du pôle, ce caillou de 1,3 kilomètre carré se situe à équidistance de l'île canadienne d'Ellesmere et du territoire danois du Groenland. Mais dans le territoire d'utopie imaginé par le Français Emmanuel Hussenet, guide en zones polaires, ce rocher inhabité et inhabitable est une terre universelle, n'appartenant à aucun État. Un « symbole de responsabilité planétaire », espère-t-il. Le Canada et le Royaume du Danemark s'en disputent la propriété depuis des décennies. L'accord bilatéral signé en 1973 fixe le tracé des eaux territoriales mais s'abstient de préciser le sort de l'île, qui ne possède aucune ressource mais occupe une position hautement stratégique. Elle se trouve exactement au centre du chenal qui permettra d'accéder au pôle Nord dès que les banquises auront complètement fondu sous l'effet du réchauffement climatique, c'est-à-dire aux alentours de 2040. L'ouverture de cette nouvelle route maritime permettrait alors au pays « propriétaire » d'accéder aux ressources pétrolifères et gazières de l'Arctique. Depuis 2004, les convoitises ainsi attisées génèrent une guerre des drapeaux entre Canada et Danemark pour la souveraineté de l'île.

« Aucune carte du monde n'est digne d'un regard si le pays de l'utopie n'y figure pas. » Oscar Wilde.

Les militaires des deux pays la visitent régulièrement, le temps de retirer le drapeau planté par le voisin et de remplacer la bouteille de bourbon canadien par un brandy danois et vice versa. Nulle autorité internationale n'est compétente pour les départager. Explorateur, écrivain et amoureux du Grand Nord, Emmanuel Hussenet appelle à prendre le contrepied de ce « système sans issue », de « ce besoin de découper, de s'approprier, d'exploiter ce territoire inhabité, dont l'avenir de chacun de nous dépend ». L'exploitation commerciale de l'Arctique achèverait la destruction de la planète provoquée par les activités humaines. « L'Arctique, c'est le climatiseur de la planète, rappelle-t-il sur son site web. L'océan Glacial Arctique est gelé en permanence et limite ainsi la montée des températures en été dans l'hémisphère Nord. L'avenir du monde tient à ce bouclier blanc qui coiffe le sommet de la Terre. » En 2013, il a créé l'association « Hans Insula Universalis » qui propose à chacun de nous de devenir un habitant de l'île, ou encore d'acquérir symboliquement un mètre carré, en échange du certificat au beau nom « d'impropriété ». Une manière d'affirmer la vigilance citoyenne et la volonté de conserver une planète habitable. L'objectif est de rassembler le maximum d'habitants virtuels afin d'obtenir de l'ONU qu'elle attribue à l'île Hans un statut de terre n'appartenant à personne : Terra Nullius. Une terre universelle, dédiée à la science, et notamment à l'étude des banquises de mer, qui matérialiserait la prise de conscience citoyenne face à la crise climatique et écologique.

L'île Hans, ou le phare guidant vers un autre modèle ?

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